mercredi 31 août 2011

Le gourmet solitaire

Le gourmet solitaire
de Jiro Taniguchi
Éditions Casterman

Si vous aussi vous croyez encore que la cuisine japonaise se résume aux sushis, aux boulettes de riz et au saké, Le gourmet solitaire est pour vous. Ce livre, c'est aussi pour nous occidentaux une découverte du Japon contemporain, éloigné des clichés.

Le personnage de ce manga est un tokyoïte solitaire qui, au fil de ses déplacements professionnels, déambule dans les quartiers de la mégalopole et de ses alentours. À chaque fois, c'est l'occasion pour lui de déjeuner dans un lieu différent, goûtant aux spécialités de la maison, découvrant de nouvelles saveurs, ou se laissant emporter par l'attitude des habitués.
J’ai beaucoup aimé l’itinéraire de cet explorateur culinaire qui teste différent type de restaurant japonais du sushi bar à la gargote ouvrière. Nulle intrigue dans les histoires, chaque épisode capte l'essence d'un moment, d'une rencontre entre un homme, un lieu, et un plat.

La plume du mangaka Jiro Taniguchi nous emporte dans cette ode à la gastronomie japonaise.
On prend plaisir à prendre le temps, comme lui, de déguster chaque vignette, grâce aux dessins détaillés des plats commandés avec des légendes d’explication. et pourtant, rien n’est plus difficile pour un auteur que de rendre le goût, l’odeur et l’aspect d’un plat avec pour seul médian, une page de manga en noir et blanc.
La ligne claire de Jirô Taniguchi et son souci constant du détail nous plongent dans un univers vivant qui contraste étrangement avec la solitude du héros.

C'est simple : ouvrir cette BD, c'est s'exposer à avoir faim immédiatement ! Jiro Taniguchi fait faire à son lecteur un vrai marathon culinaire des spécialités japonaises.
Encore une fois une lecture vraiment délicieuse que je vous conseille avidement !

mercredi 24 août 2011

Auprès de moi toujours

Auprès de moi toujours
de Kazuo Ishiguro
Édition Gallimard

En Angleterre, à la fin des années 1990. Kathy H. la narratrice évoque ses souvenirs du pensionnat de Hailsham, pensionnat où elle a passé ses années d’enfance et d’adolescence avec ses amies Ruth et Tommy. Complètement coupés du reste du monde, ils ont été élevés dans un cadre idyllique. Car Hailsham était une école très particulière, où la santé des enfants, faisait l’objet d’une surveillance attentive. Devenue adulte, Kathy se remémore ce passé, à première vue idyllique. Mais chaque plongée dans ses souvenirs soulève de nouvelles questions. Toute sa vie d'adulte et toute son identité sont pétries des certitudes qu'elle avait acquise au pensionnat. Mais ces certitudes s'effondrent quand Hailsham ne tient plus ses promesses.

Auprès de moi toujours est un roman un peu étrange, envoûtant, teinté de nostalgie et de tristesse, à l’issue stupéfiante et glaçante, un roman d’anticipation au rythme lent, mais dont les pages se tournent avec frénésie.
L’auteur distille de main de maître les secrets de Hailsham, comme elles apparaissent progressivement dans l’esprit des enfants, puis des jeunes gens.

Au-delà de l'aspect science-fiction, Auprès de moi toujours est récit initiatique, une histoire d'amour et d'amitié de la jeunesse à l'âge adulte. La relation entre les trois protagonistes de l'enfance à l’âge adulte est décrite avec une finesse remarquable.

Kazuo Ishiguro traite de sujets qui nous touchent particulièrement : la perte de l'innocence et l'importance de la mémoire. Ce roman vertigineux, porté par la grâce, raconte une histoire d'humanité, de conscience et d'amour dans l'Angleterre contemporaine.

mercredi 17 août 2011

Sur la plage de Chesil

Sur la plage de Chesil de Ian McEwan
Édition Gallimard

Edward et Florence sont un jeune couple anglais de 20 ans. Ce jour d'été 1962, ils se sont mariés et s’apprêtent à partager leur nuit de noces. Mais les peurs, les inhibitions, leur ignorance de la sexualité à une époque encore très puritaine, transforment vite cette lune de miel en fiasco.

Un roman à deux voix, qui nous fait entrer dans la tête d'Edward et de Florence. Petit à petit on découvre leur histoire, les sentiments qui les animent, leur angoisse face à l'inconnu et à la pression morale.

Comme au travers d'un verre grossissant, le moment intime du couple devient ainsi le révélateur de toute une période, celle d'avant la révolution sexuelle, offrant le tableau plein de subtilité d'une société étouffée par les non-dits et les sentiments refoulés.

Les flash-back bien dosés sont les bienvenus pour sortir de la tension du huis-clos des jeunes époux, et retardent habilement la crise finale en faisant monter la tension jusqu'à son paroxysme sur la plage.

Grâce à une écriture précise et à une analyse très fine de la psychologie de ses personnages, Ian McEwan parvient à créer une intensité dramatique et un suspense qui rendent la lecture intéressante jusqu'à son terme.

mercredi 10 août 2011

La douce empoisonneuse

La douce empoisonneuse
de Arto Paasilinna
Éditions Gallimard

Linnea Ravaska, veuve d'un colonel, coule sa vieillesse dans un petit village. Tout paraît idyllique : une maisonnette rouge, un jardin fleuri et un vieux matou. Oui mais voilà, une fois par mois le charme bucolique est rompu. Chaque mois, c'est pareil, son neveu, accompagné de deux amis, vient lui rendre visite dans le seul but de lui prendre sa pension. Et ce jour là, sa vie devient un enfer. Linnea n'a pas la force de résister. Mais quand le trio lui fait signer un testament en faveur de son neveu, Linnea décide d’en finir. Comprenez : elle préfère se suicider. Mais l’art d’en finir n’est pas une chose aisée ! Linnea se retrouve dans des situations rocambolesques et loufoques.

Ce livre est thriller burlesque, plein d’humour noir et décapant. Certains passages m'ont vraiment fait rire. Entre les bons sentiments qu'elle ne peut réfréner et l’envie de se défendre, la vieille dame est drôle et attachante !

Arto Paasilinna possède une formidable capacité pour peindre des êtres humains parfaitement méprisables sans les mépriser lui-même, nous faisant visiter leurs pensées avec une précision et une justesse de ton remarquables, rendant logiques les raisonnements les plus abjects et laissant le lecteur seul juge.

Outre son talent à créer des personnages, ce dernier se caractérise par un humour noir et un sens de la mise en scène jubilatoire, jusqu'à une fin amorale et inattendue.
Si La douce empoisonneuse n'est pas sans faire réfléchir et dire beaucoup de choses, c'est avant tout un pur plaisir de lecture.

samedi 6 août 2011

La marche du crabe

La marche du crabe d’Arthur de Pins
Éditions Soleil

La marche du crabe est avant tout un court-métrage d'animation récompensé par de nombreux prix, dont le prix du public du festival d'Annecy. Arthur de Pins a ensuite décidé d'adapter son œuvre en long métrage et d'en faire une bande dessinée en trois tomes, dont ce titre constitue le premier volet.

Cette histoire débute sur le postulat suivant: il existe, dans l'estuaire de la Gironde, une variété de crabe répondant au nom de "Cancer Simplicimus Vulgaris" ou plus vulgairement "crabe carré". La grande particularité de cette espèce est son incapacité à tourner, l'obligeant à mener une existence unidirectionnelle le long d'un axe immuable déterminé dès la naissance. On suivra ici trois petits crabes qui veulent changer les choses, et révolutionner leur quotidien. Le temps de la rébellion du crabe carré est enfin arrivé.

Sur cette base on ne peut plus simple, l'auteur brode une histoire passionnante et riche de rebondissements inattendus. Les péripéties de ces crustacés qui cherchent à échapper à une destinée toute tracée sont racontées avec beaucoup de décalage et un humour caustique qui fait mouche.

Drôle et intelligent, la Marche du Crabe est absolument délicieux. Arthur de Pins livre ici une fable sur l’amitié, la volonté, et l’imagination et semble vouloir dénoncer, sous forme de métaphore, nos existences routinières et monotone. Cette prise de conscience de la part des crabes se transforme alors très vite en invitation à réfléchir à notre condition humaine et à changer de direction avant qu'il ne soit trop tard.

Par rapport au film d'animation, Arthur de Pins propose ici un graphisme en couleurs. Si le trait va toujours à l'essentiel, la colorisation ajoute un certain charme à l'ensemble.

Ce premier tome s'avère être une bien belle réussite et c'est donc avec grande impatience que j'attends les deux tomes suivants :  L'empire des crabes et  La révolution des crabes.