lundi 19 décembre 2011

La Maison de Soie : le nouveau Sherlock Holmes

La Maison de Soie :
le nouveau Sherlock Holmes
d’Anthony Horowitz
Éditions Hachette Jeunesse

Un an après la mort de Sherlock Holmes, son biographe et ami John Watson prend la plume pour relater une toute dernière enquête, trop compromettante pour être publier à l’époque.
Tout commence pourtant avec une enquête ordinaire. Edmond Castairs sollicite Sherlock Holmes car il pense qu’un homme cherche à lui nuire. Faute de preuve, Holmes suspend ses recherches. Mais le lendemain de sa visite, Carstairs est cambriolé et à partir de là les choses vont s’enchaîner. Leur enquête va déranger jusque dans les plus hautes sphères de la société et à mesure qu’ils avancent, les deux amis se retrouveront plongés dans l’affaire la plus dangereuse et sordide qu’ils aient eu à résoudre.

C’est la Conan Doyle Estate (la fondation qui s’occupe des intérêts des héritiers de Conan Doyle) qui a fait appel à Anthony Horowitz pour ressusciter une dernière fois Sherlock Holmes. Un pari osé car l’auteur devait s’attaquer à un des monuments de la littérature.
Et c’est un plaisir de voir que la plume d’Anthony Horowitz s’est calquée sur celle de Sir Conan Doyle. Si bien que l’on a réellement l’impression de lire une chronique du Dr Watson. On retrouve l’ambiance et l’atmosphère du Londres victorien de 1890 ainsi que les personnages des œuvres originelles. 

Mais, s’il respecte l’univers, Horowitz ne tombe pas pour autant dans le plagiat. Certes, il reprend les tournures de phrases et la précision des descriptions de Conan Doyle. Mais l’auteur a su imposer son style, notamment dans le réalisme du Londres qu’il décrit.
La mécanique mise en place fonctionne à merveille, les intrigues s'emboîtent bien et nous laissent confus sans pour autant nous perdre. Les rebondissements sont nombreux, les scènes dramatiques et les dialogues teintés d'humour entre Holmes et Watson s'équilibrent parfaitement.


La Maison de Soie est un postiche très réussi des aventures de Sherlock Holmes de Sir Arthur Conan Doyle. Mais au-delà de ça c’est surtout un bon roman policier que l’on a du mal à lâcher.

samedi 10 décembre 2011

Neverwhere

Neverwhere de Neil Gaiman
Éditions J’ai lu

Neverwhere fut au départ une mini série TV commandée à Neil Gaiman par la BBC. N’ayant pu développer son univers de manière aussi détaillée qu’il aurait souhaité, l’auteur décida de le développer en écrivant le roman qu’il avait en tête.

L'histoire commence quand Richard Mayhew, un londonien ordinaire, trouve dans la rue une étrange jeune fille ensanglantée nommée Porte. Il décide de l’abriter pour la nuit, mais en rendant service à cette inconnue, il voit sa vie voler en éclats et il se retrouve propulser dans une ville parallèle hostile dont il ne soupçonnait même pas l’existence : le Londres d’En bas, décalé, hors du temps, séparé du Londres moderne et bruyant que l’on connaît par le métro et ses stations. Pour retourner dans son monde, il va devoir aider Porte et ses acolytes dans une quête périlleuse.

Dans un style simple mais débordant d’imagination, Neil Gaiman donne vie à cet autre Londres, effrayant mais merveilleux et fascinant à la fois. Là où le livre montre véritablement sa richesse, c'est dans la superposition des deux villes qui est très cohérente, une foule de petits détails viennent donner de la vraisemblance à ce monde étrange.

On a ici un véritablement roman d’aventure moderne, où la jeune fille en détresse se balade dans les égouts et où le preux chevalier se trouve être un londonien ordinaire, embarqué dans une quête dangereuse et devant souffrir de multiples épreuves pour arriver à ses fins.

L’intrigue est prenante et l’auteur dose parfaitement bien le rythme des péripéties et des révélations, si bien que l’on ne peut lâcher la lecture. Pas de doute, Neil Gaiman sait comment raconter une histoire et envoûter ses lecteurs.

mercredi 23 novembre 2011

Extrêmement fort et incroyablement près

Extrêmement fort et incroyablement près
de Jonathan Safran Foer
Éditions Points

Oskar, jeune garçon de 9 ans est un surdoué ultrasensible, qui a perdu son père dans les attentats du World Trade Center. Un an après cette tragédie, il trouve une clé en fouillant dans les affaires de son père. Persuadé qu’elle résoudra le mystère de sa disparition, il part à la recherche de la serrure qui lui correspond. Sa quête le mènera aux quatre coins de New York où il pénètrera les vies d’inconnus et découvrira l’histoire de sa famille.

Jonathan Safran Foer a fait des choix périlleux tant par l’utilisation d’un enfant comme narrateur principal qu’en abordant le sujet les attentats du 11 septembre 2001 et de la douleur des familles. Mais tout le talent de l’auteur, l’une des plumes les plus remarquées de sa génération, consiste à désamorcer la noirceur du propos par la fantaisie des réflexions d’Oskar.

À travers l’enquête du jeune garçon, sont abordés des thèmes comme les relations de familles, les secrets et la quête d’identité. Des thèmes profonds que l’auteur excelle dans sa façon  de les évoquer sur un mode mineur.

J'ai également été séduite par le travail de l'auteur sur la forme, en introduisant des images, des photos, ou des trouvailles calligraphiques, sans que jamais cela ne parasite la lecture. Ces ajouts au récit illustrent bien l’univers d’Oskar.

dimanche 6 novembre 2011

Miss Charity


Miss Charity de Marie-Aude Murail
École des Loisirs

Charity Tindler est une jeune Anglaise, née au début du XIXe siècle. Son père est un en grand bourgeois et sa mère passe son temps à courir les thés de la région organisés par d'autres familles distinguées et fortunées. Un jour où Charity s'ennuie, elle va recueillir des animaux pour les soigner. Elle va se prendre de passion pour eux et à partir de là, se créer un monde à elle avec la nature qui l'entoure mais avant tout les animaux. Mieux, elle les dessine et les met en scène dans de charmantes histoires, qu’elle va chercher à faire éditer en livre pour enfant. Mais à cette époque, une femme ne doit pas travailler mais plutôt penser à se marier sous peine de devenir vieille fille. Dans une société marquée par les apparences et les convenances, Charity doit s’imposer pour vivre de ses dessins au risque de passer pour une originale.

Inspirée très librement de la vie de Beatrix Potter, l’auteur de livres pour enfants, Marie-Aude Murail nous conte la formation d’une femme artiste, indépendante, à la fin du XIXe siècle en Angleterre.
Tout ça écrit avec beaucoup d'humour, des dialogues bien construits et une tendresse dans le récit, grâce à une héroïne candide et spontanée.

À travers le destin de Miss Charity, c'est tout une société figée dans ses convenances qui est observée ici. Par le biais de l’héroÏne, Marie-Aude Murail traite de la place de la femme dans la société puritaine et corsetée du XIXe siècle.

Petit plus, le texte est agrémenté de superbes illustrations aquarelles de Philippe Dumas qui subliment le roman.
Miss Charity est un véritable conte de fée que l'on peut apprécier à tout âge.

samedi 29 octobre 2011

Les heures souterraines

Les heures souterraines
de Delphine De Vigan
Éditions JC Lattès

Mathilde a la quarantaine, elle est veuve et élève seule ses trois garçons. Elle est adjointe du Directeur du Marketing dans une grosse entreprise, un travail qu’elle aime et pour lequel elle s’investit. Mais, après avoir osé défier son supérieur, il va la prendre en grippe et commence alors une descente aux enfers pour Mathilde. Elle va subir des brimades quotidiennes, des humiliations, se faire évincer du service et se retrouver "placarder" dans un réduit obscur qui va lui tenir lieu de bureau. Pourtant, chaque jour, elle se rend au travail et ne veut rien lâcher.
Parallèlement, Thibault travaille pour les urgences médicales de Paris. Toute la journée, il est confronté aux petites misères, à la solitude et aux angoisses de ses patients. Une fatigue physique et mentale l'enserre doucement.

Delphine De Vigan nous immerge dans la vie de ses personnages en rendant leur univers très réaliste et palpable : l'empathie pour les personnages est immédiate.
L’auteur nous conduit à vivre et à ressentir cette violence silencieuse, cette agression transparente, qui ne laisse aucune marque visible mais détruit à petit feu ses victimes.

À partir de ces deux destins parallèles, Delphine De Vigan dresse un tableau saisissant de notre époque, avec ses angoisses, ses incohérences, ses injustices.
Elle aborde la souffrance au travail, thème encore peu visité en littérature et pourtant bien inscrit dans notre société. Avec une grande justesse, elle décrit les rouages d'un monde empoisonné par la solitude.

Delphine De Vigan nous livre un roman de société tranchant, parfaitement maîtrisé.

samedi 22 octobre 2011

Brooklyn Follies

Brooklyn Follies de Paul Auster
Éditions Actes Sud

Nathan Glass est un sexagénaire fraîchement retraité, divorcé, fâché avec sa fille et en rémission d'un cancer du poumon. Il s'installe à Brooklyn, quartier de son enfance, dans l'intention de finir sa vie paisiblement. Pour combler son ennui, il entreprend l'écriture du "Livre de la folie humaine", recueil de petites histoires et anecdotes qui ont ponctué son existence. Mais sa routine sera vite brisée lorsqu’il retrouve par hasard son neveu perdu de vue, Tom, un brillant esprit littéraire échoué à New York dans une librairie.

Dès lors, les destins des deux hommes se retrouvent liés, à travers leurs rencontres, leurs connexions, leurs souvenirs communs. Ces deux solitaires vont de plus se créer un réseau d'amis et de connaissances qui vont influer sur leurs vies et leur histoire. Tel qu’Harry, un homosexuel ancien prisonnier propriétaire de la librairie ou Aurora, la sœur de Tom, mariée à fanatique religieux, Lucie, sa fille qui s’enfuit de chez elle pour retrouver son oncle et Nancy la jolie voisine de Nathan trompée par son mari.
Sous l'impulsion de Nathan Glass et de son optimisme, tous ces personnages vont peu à peu s'aimer, s'aider, vivre, dans ce Brooklyn multicolore et déjanté.

Finalement, l'histoire importe moins que l'humanité qui se dégage de ce texte à la forme mouvante et dynamique. L'intérêt du récit tient, avant tout, dans le patchwork de personnages fascinants et intrigants que Paul Auster se plait à nous décrire.

Brooklyn Follies est un livre plein d'humour. Le style sobre, fluide et spontané de Paul Auster fait de lui un excellent conteur de vies.

vendredi 14 octobre 2011

Tours et détours de la vilaine fille

Tours et détours de la vilaine fille
de Mario Vargas Llosa
Éditions Gallimard

Dans le Lima des années 50, Ricardo est ce qu’on appelle un « bon garçon », fidèle et honnête. À 15 il tombe amoureux  de Lily, mystérieuse et espiègle qui rêve de liberté. Il la surnommera « la vilaine fille »
Il la perdra de vue, mais ne l'oubliera jamais. Le hasard les pousse à nouveau l'un vers l'autre quelques années plus tard, à Paris où elle sera de passage avant de partir comme  guérillera  à Cuba ; puis à Londres où elle a épousé un riche aristocrate. Le temps passe, les lieux changent, mais l’amour de Ricardo reste intact, tout comme la cruauté de la « vilaine fille ».
De nouveau Ricardo tente sa chance et la poursuit de ses assiduités. Mais cette vie qu'il lui propose est trop ennuyeuse pour elle, trop médiocre. Jamais elle ne pourra aimer quelqu'un comme lui! Elle sera sa maîtresse mais jamais sa femme. Toute leur vie ces deux-là ne cesseront de se perdre et se retrouver d'un continent à l'autre.

À travers cette rencontre et les multiples pérégrinations sentimentales et géographiques, Mario Vargas Llosa nous emmène dans l’atmosphère de ces années après la guerre.
Leur histoire, ancrée successivement dans l’existentialisme parisien des années 60, le swinging London des années 70 ou encore les débauches et raffinements japonais des années 80, interpelle eu égard à son anticonformisme, agace à cause de son inconstance  et bouleverse de par sa profondeur.
Une telle richesse sans jamais se perdre dans les détails ni ennuyer le lecteur et sans jamais tomber dans le romantisme exacerbé.

Le récit est prenant et bien construit, et l’écriture parfaitement maîtrisée. On se laisse emporter sans même s’en rendre compte.

Cette histoire d’amour épique et déséquilibrée est un bijou littéraire.

mercredi 28 septembre 2011

L'effet kiss pas cool

L’effet kiss pas cool de Leslie Plée
Édition Jean-Claude Gawsewitch

Leslie Plée avait déjà fait parler d'elle avec sa première BD Moi vivant, vous n'aurez jamais de pauses (ou comment j'ai cru devenir libraire) ou elle nous décrivait sur un ton très ironique son expérience de conseillère de vente en livres dans une grande surface spécialisée (type FNAC). 

Dans ce "journal d'une angoissée de la vie", Leslie Plée nous déroule la longue liste des peurs et névroses qui l'ont hantée depuis son enfance, et qui, pour certaines, la poursuivent encore aujourd'hui. Avec beaucoup d'humour, elle nous relate ses rencontres avec des psys incompétents, avec d'autres personnes souffrant des mêmes symptômes, sans parler des actes totalement loufoques qu'elle s'oblige à faire à cause des ses peurs incontrôlables...
Elle se moque d'elle-même pour dédramatiser la situation et nous renvoie à nos propres angoisses improbables (peur des pigeons, peur de prendre le métro...) et quelquefois ridicules.

J’ai beaucoup aimé l’honnêteté dont fait preuve Leslie Plée face à ses névroses. J’ai adoré les couleurs douces employées et les dessins un peu naïfs. Mais c’est surtout son sens de l’humour et de l’autodérision à toute épreuve qui m’a totalement conquise. C'est drôle et décalé, une bouffée d’air frais dans le monde des dessinatrices-bloggeuses.

Je ne sais pas si vous le savez, mais Leslie Plée a un blog. Elle ne poste pas très souvent, par contre, ses notes sont toujours très réussies et désopilantes!
http://vuedelaprovince.canalblog.com

dimanche 25 septembre 2011

Les souvenirs

Les souvenirs de David Foenkinos
Éditions Gallimard

Quand s'ouvre le récit, on fait la rencontre du narrateur, ce personnage dont on ne connaîtra finalement ni le nom, ni l’âge. C’est le jour de l’enterrement de son grand-père, et s’en suivra un récit de plusieurs mois qui nous embarque dans ces moments de la vie qui nous bouleversent. Sa grand-mère sera mise contre son gré dans une maison de retraite, ses parents supportant mal leur nouveau statut de retraités sombrent dans la dépression. L’auteur va nous faire partager les moments de la vie de ce jeune homme qui vont l’amener à prendre conscience de l’importance des souvenirs et de la transmission.

J’ai été vraiment ému par ce livre, et certains passages ont eu un écho particulier; on est pris au coeur, ce n'est pas notre histoire et pourtant on referme le livre avec un sentiment de familiarité étrange vis-à-vis de ces moments de vie.
Et puis il y a tous ces souvenirs qui abondent dans ce livre. En effet, le récit est entrecoupé de brefs chapitres, évocations drôles ou touchantes, des souvenirs de Fitzgerald, Gainsbourg, Gaudi, Kawabata... en relation avec la mémoire et l'oubli.

David Foenkinos nous avait laissé sous le charme joyeux de La délicatesse. Le ton de ce nouveau roman est d'abord plus grave, l'évocation de la vieillesse et de la perte de l’autonomie est juste et sombre. Mais, l'humour et le sens de la dérision reprennent vite le dessus. Tout y décrit avec douceur, sans que l'on ne sombre dans un sentimentalisme exagéré
Ce qui est sûr c’est qu’avec Foenkinos, on sait ce qui nous attend : situations tragi-comiques et un phrasé absolument génial qui n’a pas d’équivalent pour décrire les situations absurdes du quotidien. Fidèle à son habitude, il n’hésite pas à glisser quelques tirades sur les pavillons de banlieues, la poésie des aires d’autoroute ou l’influence des Twix sur la vie amoureuse des gens : un régal !

samedi 17 septembre 2011

La couleur des sentiments

La couleur des sentiments
de Kathryn Stockett
Éditions Jacqueline Chambon

Nous sommes en 1962. Dans quelques mois, Martin Luther King organisera sa marche sur Washington pour défendre les droits civiques. Mais à Jackson, Mississipi, les mentalités n’ont pas encore évolué. On ne va pas dans les mêmes écoles et l’on croit encore que les noirs répandent de graves maladies par les toilettes.
C’est dans ce contexte que Skeeter, une jeune bourgeoise blanche, et deux bonnes noires, poussées par une profonde envie de voir les choses changer, et malgré leurs différences et les risques qu’elles encourent, vont unir leurs destins, et en secret écrire une histoire bouleversante, témoignant du travail, de la vie et des conditions des domestiques noires.

Le point fort de ce livre, c’est, sans conteste, les personnages poignants. Ils sont inoubliables et remarquablement croqués par l'auteur. Que ce soit Miss Skeeter qui devant l'iniquité des lois raciales est prête à se mettre à dos ses amies et sa famille pour essayer de bouger les choses, ou  Aibileen, la bonne qui a toujours tenu sa langue pour éviter les ennuis et qui grâce à l'écriture du livre va s'affranchir ou encore Minny, son amie grande gueule, qui a du mal à garder un travail.
Mais c’est aussi une satire des familles bourgeoises du Mississipi, celles qui ne pensent qu’au paraître, au rang social et au qu’en dira t-on. Mais l'auteur ne fait pas le procès des blancs, elle nous raconte simplement une tranche d’histoire se basant sur sa propre enfance.

À chaque fois qu’on ouvre ce roman, on se retrouve propulsé dans les années 60 à Jackson et l’on peut sentir la chaleur moite et la tension quotidienne du Mississipi.

Sans tomber dans le pathos, Kathryn Stockett livre une histoire qui se chante à trois voix à la fois authentiques et émouvantes…et parfois même, drôle.

samedi 10 septembre 2011

Rosa Candida


Rosa Candida de Audur Ava Ólafsdóttir
Éditions Zulma

Arnljotur est un jeune homme de 22 ans qui essaie de faire le deuil de sa mère récemment décédé dans un accident de voiture. Entre elle et Arnljotur existait un lien : le jardin et la serre où elle cultivait une variété rare de Rosa candida à huit pétales. C'est là qu'une nuit il a aimé Anna et l'a mise enceinte. Quelques boutures de rose dans son sac, il va les paysages crépusculaires de l'Islande pour gagner un monastère afin de redonner vie à sa roseraie légendaire. Ce projet un moyen de prendre le large, de couper les liens serrés qu'il entretient avec son père octogénaire et son frère jumeau, autiste.
Son voyage initiatique va lui faire goûter aux joies de la vie, lui faire prendre conscience de son corps, de son être et de son entourage. Candide moderne, il va découvre la vie, aidé de personnages insolites tel que frère Thomas, un moine cinéphile ou Rosa Sol sa fille qu’il ne connaît pas et qu’il va voir débarquer au monastère.

C'est un bien curieux livre que ce Rosa Candida mais qu'il a été enivrant et plaisant de le lire ! On plonge dans une atmosphère assez loufoque avec ce jeune homme qui commence une sorte de formation de la vie. L’auteur scrute et dissèque les états d'âme du jeune homme pour le mettre totalement à nu. Et l’on s'attache vraiment à notre héros candide et maladroit que l’on voit aller doucement vers l’âge adulte. Il est rare, dans la littérature, de traiter, avec beaucoup de tendresse et d'humour à la fois, de la naissance du sentiment de paternité.

Ce livre est d'une écriture simple, sans artifice et qui décrit les gestes du quotidien avec légèreté. Tout imprégné de l’amour des fleurs et des roses en particulier, ce texte généreux est rempli de la fraîcheur du personnage principal, profondément touchant et attendrissant. Un roman lumineux, qui parle simplement de choses essentielles : comment trouver sa place, comment donner et recevoir de l’amour.

Ce premier roman de la jeune islandaise Audur Ava Ólafsdóttir est plein de poésie, de charme et d’humour et nous dépayse complètement.
Un gros coup de cœur à lire et à relire.

mercredi 7 septembre 2011

1984

1984 de Georges Orwell
Éditions Gallimard


Écrit en 1948 par un homme mourrant, 1984, pièce maîtresse de l’œuvre de George Orwell, est une référence  du roman d’anticipation. Un livre qui me tient à cœur car c’est le premier livre de science-fiction que j’ai lu, celui qui m’a  fait changer d’avis sur ce genre littéraire.

Dans le monde futur de 1984, le monde a été divisé en 3 grandes puissances qui sont chacune gouvernées par des régimes totalitaires. L’Europe et l’URSS sont sous la coupe d’un dictateur omniprésent représentée par la figure de Big Brother. À Londres, Winston Smith, un simple fonctionnaire du Ministère de la Vérité, ouvre les yeux malgré lui et cherche à comprendre ce qui se cache derrière Big Brother. Sa rencontre avec la belle Julia, un autre agent du parti, va le précipiter dans une rébellion contre le parti.

Orwell décrit ici une société hyper surveillée grâce entre autres à la technologie : des écrans qui vous surveillent constamment, épient vos moindres faits et gestes... Aucune place n’est laissée à la liberté individuelle.
Mais au-delà de la télé-surveillance permanente, ce qui m’a le plus effrayé c’est  l'impossibilité du souvenir. En effet, l’histoire est réécrite chaque jour pour qu’elle soit conforme au présent si bien que les citoyens ne peuvent que croire les autorités quand elles disent que cette société est plus heureuse que dans le passé. 

Roman très sombre et pessimiste (Orwell n’était sans doute pas confiant en l’avenir en 1948…), 1984 dépassera toutes les époques, le texte a toujours toute sa force et est devenu intemporel. Un texte déstabilisant par son contenu mais aussi par son texte assez « lourd » et notamment certains passages fastidieux.

60 ans après sa publication, ce roman qui se déroule maintenant dans notre passé, reste un très grand roman d'anticipation.

mercredi 31 août 2011

Le gourmet solitaire

Le gourmet solitaire
de Jiro Taniguchi
Éditions Casterman

Si vous aussi vous croyez encore que la cuisine japonaise se résume aux sushis, aux boulettes de riz et au saké, Le gourmet solitaire est pour vous. Ce livre, c'est aussi pour nous occidentaux une découverte du Japon contemporain, éloigné des clichés.

Le personnage de ce manga est un tokyoïte solitaire qui, au fil de ses déplacements professionnels, déambule dans les quartiers de la mégalopole et de ses alentours. À chaque fois, c'est l'occasion pour lui de déjeuner dans un lieu différent, goûtant aux spécialités de la maison, découvrant de nouvelles saveurs, ou se laissant emporter par l'attitude des habitués.
J’ai beaucoup aimé l’itinéraire de cet explorateur culinaire qui teste différent type de restaurant japonais du sushi bar à la gargote ouvrière. Nulle intrigue dans les histoires, chaque épisode capte l'essence d'un moment, d'une rencontre entre un homme, un lieu, et un plat.

La plume du mangaka Jiro Taniguchi nous emporte dans cette ode à la gastronomie japonaise.
On prend plaisir à prendre le temps, comme lui, de déguster chaque vignette, grâce aux dessins détaillés des plats commandés avec des légendes d’explication. et pourtant, rien n’est plus difficile pour un auteur que de rendre le goût, l’odeur et l’aspect d’un plat avec pour seul médian, une page de manga en noir et blanc.
La ligne claire de Jirô Taniguchi et son souci constant du détail nous plongent dans un univers vivant qui contraste étrangement avec la solitude du héros.

C'est simple : ouvrir cette BD, c'est s'exposer à avoir faim immédiatement ! Jiro Taniguchi fait faire à son lecteur un vrai marathon culinaire des spécialités japonaises.
Encore une fois une lecture vraiment délicieuse que je vous conseille avidement !

mercredi 24 août 2011

Auprès de moi toujours

Auprès de moi toujours
de Kazuo Ishiguro
Édition Gallimard

En Angleterre, à la fin des années 1990. Kathy H. la narratrice évoque ses souvenirs du pensionnat de Hailsham, pensionnat où elle a passé ses années d’enfance et d’adolescence avec ses amies Ruth et Tommy. Complètement coupés du reste du monde, ils ont été élevés dans un cadre idyllique. Car Hailsham était une école très particulière, où la santé des enfants, faisait l’objet d’une surveillance attentive. Devenue adulte, Kathy se remémore ce passé, à première vue idyllique. Mais chaque plongée dans ses souvenirs soulève de nouvelles questions. Toute sa vie d'adulte et toute son identité sont pétries des certitudes qu'elle avait acquise au pensionnat. Mais ces certitudes s'effondrent quand Hailsham ne tient plus ses promesses.

Auprès de moi toujours est un roman un peu étrange, envoûtant, teinté de nostalgie et de tristesse, à l’issue stupéfiante et glaçante, un roman d’anticipation au rythme lent, mais dont les pages se tournent avec frénésie.
L’auteur distille de main de maître les secrets de Hailsham, comme elles apparaissent progressivement dans l’esprit des enfants, puis des jeunes gens.

Au-delà de l'aspect science-fiction, Auprès de moi toujours est récit initiatique, une histoire d'amour et d'amitié de la jeunesse à l'âge adulte. La relation entre les trois protagonistes de l'enfance à l’âge adulte est décrite avec une finesse remarquable.

Kazuo Ishiguro traite de sujets qui nous touchent particulièrement : la perte de l'innocence et l'importance de la mémoire. Ce roman vertigineux, porté par la grâce, raconte une histoire d'humanité, de conscience et d'amour dans l'Angleterre contemporaine.

mercredi 17 août 2011

Sur la plage de Chesil

Sur la plage de Chesil de Ian McEwan
Édition Gallimard

Edward et Florence sont un jeune couple anglais de 20 ans. Ce jour d'été 1962, ils se sont mariés et s’apprêtent à partager leur nuit de noces. Mais les peurs, les inhibitions, leur ignorance de la sexualité à une époque encore très puritaine, transforment vite cette lune de miel en fiasco.

Un roman à deux voix, qui nous fait entrer dans la tête d'Edward et de Florence. Petit à petit on découvre leur histoire, les sentiments qui les animent, leur angoisse face à l'inconnu et à la pression morale.

Comme au travers d'un verre grossissant, le moment intime du couple devient ainsi le révélateur de toute une période, celle d'avant la révolution sexuelle, offrant le tableau plein de subtilité d'une société étouffée par les non-dits et les sentiments refoulés.

Les flash-back bien dosés sont les bienvenus pour sortir de la tension du huis-clos des jeunes époux, et retardent habilement la crise finale en faisant monter la tension jusqu'à son paroxysme sur la plage.

Grâce à une écriture précise et à une analyse très fine de la psychologie de ses personnages, Ian McEwan parvient à créer une intensité dramatique et un suspense qui rendent la lecture intéressante jusqu'à son terme.

mercredi 10 août 2011

La douce empoisonneuse

La douce empoisonneuse
de Arto Paasilinna
Éditions Gallimard

Linnea Ravaska, veuve d'un colonel, coule sa vieillesse dans un petit village. Tout paraît idyllique : une maisonnette rouge, un jardin fleuri et un vieux matou. Oui mais voilà, une fois par mois le charme bucolique est rompu. Chaque mois, c'est pareil, son neveu, accompagné de deux amis, vient lui rendre visite dans le seul but de lui prendre sa pension. Et ce jour là, sa vie devient un enfer. Linnea n'a pas la force de résister. Mais quand le trio lui fait signer un testament en faveur de son neveu, Linnea décide d’en finir. Comprenez : elle préfère se suicider. Mais l’art d’en finir n’est pas une chose aisée ! Linnea se retrouve dans des situations rocambolesques et loufoques.

Ce livre est thriller burlesque, plein d’humour noir et décapant. Certains passages m'ont vraiment fait rire. Entre les bons sentiments qu'elle ne peut réfréner et l’envie de se défendre, la vieille dame est drôle et attachante !

Arto Paasilinna possède une formidable capacité pour peindre des êtres humains parfaitement méprisables sans les mépriser lui-même, nous faisant visiter leurs pensées avec une précision et une justesse de ton remarquables, rendant logiques les raisonnements les plus abjects et laissant le lecteur seul juge.

Outre son talent à créer des personnages, ce dernier se caractérise par un humour noir et un sens de la mise en scène jubilatoire, jusqu'à une fin amorale et inattendue.
Si La douce empoisonneuse n'est pas sans faire réfléchir et dire beaucoup de choses, c'est avant tout un pur plaisir de lecture.

samedi 6 août 2011

La marche du crabe

La marche du crabe d’Arthur de Pins
Éditions Soleil

La marche du crabe est avant tout un court-métrage d'animation récompensé par de nombreux prix, dont le prix du public du festival d'Annecy. Arthur de Pins a ensuite décidé d'adapter son œuvre en long métrage et d'en faire une bande dessinée en trois tomes, dont ce titre constitue le premier volet.

Cette histoire débute sur le postulat suivant: il existe, dans l'estuaire de la Gironde, une variété de crabe répondant au nom de "Cancer Simplicimus Vulgaris" ou plus vulgairement "crabe carré". La grande particularité de cette espèce est son incapacité à tourner, l'obligeant à mener une existence unidirectionnelle le long d'un axe immuable déterminé dès la naissance. On suivra ici trois petits crabes qui veulent changer les choses, et révolutionner leur quotidien. Le temps de la rébellion du crabe carré est enfin arrivé.

Sur cette base on ne peut plus simple, l'auteur brode une histoire passionnante et riche de rebondissements inattendus. Les péripéties de ces crustacés qui cherchent à échapper à une destinée toute tracée sont racontées avec beaucoup de décalage et un humour caustique qui fait mouche.

Drôle et intelligent, la Marche du Crabe est absolument délicieux. Arthur de Pins livre ici une fable sur l’amitié, la volonté, et l’imagination et semble vouloir dénoncer, sous forme de métaphore, nos existences routinières et monotone. Cette prise de conscience de la part des crabes se transforme alors très vite en invitation à réfléchir à notre condition humaine et à changer de direction avant qu'il ne soit trop tard.

Par rapport au film d'animation, Arthur de Pins propose ici un graphisme en couleurs. Si le trait va toujours à l'essentiel, la colorisation ajoute un certain charme à l'ensemble.

Ce premier tome s'avère être une bien belle réussite et c'est donc avec grande impatience que j'attends les deux tomes suivants :  L'empire des crabes et  La révolution des crabes.

lundi 25 juillet 2011

Blonde

Blonde de Joyce Carol Oates
LGF

Elle a suscité l'adoration de millions de gens et sa vie a fasciné des générations de fans et d'acteurs. Disséquée depuis plus de trente ans, l'histoire de Norma Jeane Baker, plus connue sous le nom de Marilyn Monroe, n'a pourtant jamais été appréhendée aussi intimement que dans Blonde un récit à couper littéralement le souffle.

Car Blonde n'est pas une biographie de Marilyn. C’est d'abord un portrait : celui d'une jeune fille, d'une jeune femme timide et mal dans sa peau, dont l'immense beauté est une malédiction.
Une femme en perpétuelle recherche d'amour, faite de contradictions, de souffrances, beaucoup plus cultivée et intelligente que l'image glamour et radieuse qu'elle laissait paraître. Une femme en lutte perpétuelle contre ses démons et ce "vide" qui la rongeait de l'intérieur...

J'ai adoré ce livre qui nous fait pénétrer derrière l'image de l'actrice pour trouver Norma Jean. Cette jeune fille pure jusqu'à l'extrême entame avec la célébrité une descente aux enfers, d'abord lente puis de plus en plus rapide, au fur et à mesure que Norma Jeane s'efface devant l'Actrice Blonde, que d'autres appellent Marilyn.

Joyce Carol Oates a su mettre en valeur le caractère de Marilyn, grâce à elle nous sommes dans la tête, et presque dans le corps de Marilyn, on sent sa détresse, sa fragilité, sa volonté de se débarrasser de son personnage objet de tous les désirs masculins. Tout en faisant de la matière de la vie de Marilyn une matière romanesque, l'auteur nous décrit une autre époque et un monde impitoyable, celui d'Hollywood. Le style de Joyce Carol Oates est sublime, bien que parfois oppressant et nerveux.

Un très beau roman difficile à appréhender (1100 pages), mais on en vient à bout et je reste très marquée par cette vie de souffrances.

mardi 19 juillet 2011

Providence

Providence de Valérie Tong Cuong
Éditions Stock

Ce livre est l'histoire croisée de plusieurs personnes, qui vont être par le hasard de la vie, mises en relation et voir leur vie bousculée tout autant que basculée face aux petits événements que la "Providence" jette sur leur passage.
Un passager du métro, une explosion criminelle, un macaron à la violette et un chien indocile, vont faire converger les trajectoires de ces vies jusque-là parallèles.

Marylou, mère célibataire, qui craint d'être renvoyée de son travail ; Albert, un homme de soixante-dix-huit ans, qui vient d'apprendre qu'il a un cancer ; Tom, qui est sur le point de demander en mariage la capricieuse Libby ; Prudence, associée dans un grand cabinet de conseil mais victime de sa couleur de peau, qui l’empêche de finir son ascension.
Autant de personnalités que l'on suit avec plaisir, ils reviennent sur leur vie, leurs difficultés, sans jamais être mièvre ou larmoyant.

L'auteur nous invite à jeter un regard optimiste sur les aléas du quotidien.
L'écriture est fluide, facile à lire et on s'attache aux personnages. La construction des chapitres est faite de telle sorte qu'on a la narration de chacun des personnages, à tour de rôle.

J'ai beaucoup apprécié ce livre dont la trame est très bien faite ! On se sent porté par l'histoire et le réalisme des différents protagonistes.
Un livre léger et grave à la fois qui parle d'humanité avec beaucoup de tendresse et d'humour.

mercredi 6 juillet 2011

The Unwritten

The Unwritten
de Mike Carey et Peter Gross
Éditions Panini comics

The Unwritten est une petite pépite de la bande dessinée américaine. Alors que le premier tome vient de sortir en France, il bénéficie déjà d'une forte renommée aux États-Unis.

Un comics original qui nous narre les aventures de Tom Taylor, fils d'un écrivain dont la série fantastique autour d'un jeune magicien, est un véritable buzz planétaire. Tommy Taylor en est le personnage principal et serait supposé avoir été inspiré par Tom Taylor, le fils de l'auteur, c'est pourquoi les fans du livre lui vouent un véritable culte.
Vivant au centre d’un cirque médiatique et gérant l’héritage culturel de son père depuis la mystérieuse disparition de ce dernier, il enchaîne les festivals, les séances de dédicaces et les émissions de télé. Lorsque son identité est subitement mise en doute lors d’une conférence de presse, Tom Taylor va mener son enquête et découvrir des éléments qui laisseraient à penser qu'il ne serait pas le véritable fils de l'auteur.
 
Durant les premières pages, l’histoire de The Unwritten semble être un amusement un peu facile sur le phénomène Harry Potter. Mais bien vite, on se rend compte que le propos de l’auteur est plus ambitieux : c’est toute la littérature qui va servir de paysage à cette quête identitaire.
L’auteur nous plonge dans un univers où la frontière entre le réel et l’imaginaire s’estompe au fil des pages, il propose un puzzle scénaristique prenant qui s’attaque au pouvoir de la littérature sur la réalité.

J'aime beaucoup que chaque chapitre débute par les aventures de Tommy Taylor, avant de revenir sur la véritable vie de Tom Taylor. Ca me donne envie d'en savoir plus sur les aventures de l'apprenti sorcier.

Basée sur une excellente idée de départ, The Unwritten s’annonce comme la nouvelle saga très prometteuse. À suivre…